Bressieux

Par Doudart de Lagrée, procureur général du roi en la chambre des comptes de Grenoble, 1778

 

            La Terre de Bressieux, qui est au levant de celle de Viriville, est le second confins du Mandement de Roybon au nord : elle est l’une des anciennes Baronnie du Dauphiné.

            On ne connaît point les titres d’érection de ces Baronnies ; ils résultent d’une possession qui se perd dans l‘antiquité. Les anciens monuments prouvent que les ancêtres de ces Barons possédaient leurs Terres en toute suzeraineté et de ce fait, qui ne peut guères être révoqué en doute, on a conclu que les premières places qui leur ont été assignées dans les Etats parmi la Noblesse, étaient une récompense de leur soumission au Dauphin : Il serait difficile de donner un semblable motif de l’érection de la Baronnie de Bressieux, puisque le Seigneur de cette Terre prétend encore aujourd’hui tenir en franc-alleu six septièmes de cette Baronnie et ne devoir l’hommage de la septième partie qu’à cause du traité de 1344, passé entre le Dauphin Humbert II, Louis et Hugues de Bressieux, propriétaires de cette septième partie, qui reçurent la récompense de leur soumission en fonds de terre.

            Quoi qu’il en soit de l’origine de ces Baronnies, il est certain que Bressieux est la troisième alternante avec Maubec et que l’ancienne Maison de Bressieux jouissait en Dauphiné d’une grande considération. Elle possédait plusieurs terres et entre autres celle de Bressieux, qu’elle tenait dans le principe en franc-alleu et sans nulle dépendance des Dauphins ; elle donnait à ses Vassaux des lois pour l’administration de la Justice et des Statuts pour leur Gouvernement. C’est ce qui est prouvé par les Lettres d’Hugues de Bressieux du 8 juin 1288, contenant les privilèges et libertés des Habitants de Bressieux.

            Ces libertés furent réformées et additionnées par Lettres en forme de traité d’Aymard de Bressieux du 3 avril 1336 ; une des additions consiste principalement en la concession faite aux Habitants de Bressieux, du droit d’usage, parcours et pâquérage dans Chambaran, aux conditions toutefois de ne transporter aucuns bois hors du Mandement.

            Ce droit leur fut confirmé par un second acte du 25 mai 1347, par lequel Aymard de Bressieux reconnut que la Forêt de Chambaran était commune dans toute son étendue entre le Seigneur de Bressieux et ses Habitants. Aymard s’obligea par cet acte, de ne jamais alberger aucune partie du bois de Chambaran situé dans le Mandement de Bressieux et de ne vendre aucun bois de cette Forêt sans le consentement des Habitants, qui payèrent à raison de ce 60 florins.


            Ces privilèges, libertés et droits furent encore confirmés par différentes Lettres des Seigneurs de Bressieux, des 6 décembre 1434, 12 août 1450, 13 novembre 1455 et 20 décembre 1489. Les expéditions de ces titres qui étaient entre les mains de Guichard de Savoie, héritier du Juge de Bressieux, furent rendues au Mandement en exécution d’Arrêt du Parlement de Grenoble du 27 avril 1617 et déposées à la Chambre de Comptes, ensuite de son Arrêt du 18 décembre 1618, rendu sur la Requête des Consuls de Bressieux.

            Aymard de Bressieux fut le premier qui commença à compromettre son indépendance ; il s’obligea par un traité du 31 août 1317, envers Amédée Comte de Savoie, de ne reconnaître en fief de personne autre que lui, les Terres qu’il possédait depuis la Forêt de Chambaran du côté de la Côte : a nemore de Chambaran citra versus Costam ; soit qu’il les tint en sa main, ou qu’elles fussent tenues de lui en fief et spécialement le Château de Bressieux et celui de Lemps. Dans le cas où il serait forcé de les prendre en fief de quelqu’un, il promit de ne les soumettre qu’au Comte de Savoie ; à la charge cependant qu’il lui donnerait autant que tout autre, pour le prix de sa soumission.

            Cet acte prouve qu’à cette époque, le Seigneur de Bressieux n’avait aucun supérieur féodal, puisqu’il s’agissait de payer une reconnaissance en fief qui serait de ses Terres. Il parait que ce traité n’eut aucune suite pour la Terre de Bressieux ; mais Hugues de Bressieux, frère d’Aymard, prit investiture de la Terre de Lemps, du Comte de Savoie, le 6 janvier 1320.

            Louis et Hugues de Bressieux, fils d’Aymard et ses cohéritiers, prêtèrent hommage au Dauphin Humbert II, le 26 novembre 1344, de tout ce qu’ils possédaient et de tout ce qu’il pouvait leur appartenir dans les Mandements de Bressieux, Bressins, Montmiral, Lemps et Pernans, conformément à un précédent traité ; ce qui consistait en la septième partie de la terre de Bressieux et autres, dépendantes de l’hérédité d’Aymard.

            Le 9 décembre 1413, Aymard de Clermont dénombra avec la septième partie de la Baronnie de Bressieux, une septième portion de la Forêt de Chambaran située dans le Mandement de Bressieux et des droits qui lui étaient dus sur cette Forêt. Humbert de Grolée fournit un semblable dénombrement le 7 septembre 1425, où il comprit la septième partie de la Forêt de Chambaran, située auprès de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, de Varassieux et de Roybon.

            Tous ces actes établissent évidemment qu’il existe dans le territoire de Bressieux un canton de Chambaran appartenant en toute propriété au Seigneur, sur lequel les Habitants ont des droits par concession.

            Mais dans quelle partie du territoire de Bressieux est-il situé ? C’est auprès de Roybon et de la partie de Chambaran qui est sur le territoire de ce Mandement. Cette position du Chambaran de Bressieux est prouvée par l’inféodation faite par Humbert II, à Guionnet Verrier de Chambaran, fils d’Aymard, le 15 mai 1338 , d’une pièce de bois de Chambaran, située sur le territoire de Roybon, confinée depuis le chemin allant de Laval-Bressieux à Varassieux jusqu’à l’Estra et en suivant l’Estra jusqu’aux limites de Bressieux : quamdam petiam nemoris de Chambaran, protendentem ab itinere quo itur de Valle Brissiaci versus Varassenum usque ad Estratam sequin Estratam usque ad mesas Brissiaci. Ce canton de bois est aujourd’hui le fief ou domaine de la Bâtie au territoire de Roybon, possédé par le sieur de Saint-Jay. Le tènement de ce domaine joint en effet le Mandement de Bressieux et précisément la partie de bois appelée Chambaran de Bressieux. Cette inféodation prouve déjà que le Chambaran de Bressieux joignait le Chambaran de Roybon, l’analyse de quelques actes de la production du sieur de Valbelle, Seigneur de Bressieux, achèvera de démontrer cette vérité.

            Pour l’intelligence de ces actes, tant sur la preuve de l’ancienne existence du Chambaran de Bressieux que sur son emplacement, il est nécessaire d’observer qu’il y a un Mas, appelé de Grignon, dans lequel sont construites plusieurs maisons et un Hameau entier, qui fait partie de la paroisse de Saint-Pierre, dépendante de Bressieux ; que ce Mas et ce Hameau sont situés auprès du Chambaran de Roybon, dont ils ne sont séparés que par quelques terres cultivées.

            C’est dans ce mas qu’étaient situés la maison et tènement de Jean Burjean, reconnus au profit d’Aymard, Seigneur de Bressieux, au mois de juin 1326, confinés par cette reconnaissance, aux limites séparant le Mandement de Roybon de celui de Bressieux et à la rivière de Galaure. Burjean reconnut par le même acte un essart situé en Grignon, joignant le bois du Seigneur de Bressieux, avec un moulin situé au même lieu : Item Joannes Bursandi tenet domum suam & tenemenium suum, in qua manet in Grignon juxia metas Villœ novœ de Roybone & Mandamentum castri Briffiaci, ex una parte, et juxta riveriam de Galabre, ex altéra. Item quoddam essartum situm in Grignon…….juxta nenus Domini Brissiaci…..Item tenet molendinum de Grignon.

            Cette reconnaissance fut renouvelée le 22 février 1351, par Jean Burjean, à raison du moulin dont l’emplacement est désigné auprès des limites de Bressieux et Roybon : juxta metas seu bohenas Brissiaci et Roybonis.

            Le nommé Bochet reconnut le même jour, au profit du Seigneur de Bressieux, sa maison d’habitation et bois au même lieu, joignant le chemin de Romans et les limites de Roybon et Bressieux.

            Le 10 janvier 1438, Jean-Etienne et Pierre Jaquemet, frères, reconnurent au profit d’Antoine de Grolée, Seigneur de Bressieux, le plaçage du même moulin, appelé le Moulin de Burjean, situé au Mandement de Bressieux, lieu dit en Grignon, auprès des limites de Bressieux et Roybon et de la rivière de Galaure.

            Pierre, Jean et Claude Jacquemet passèrent reconnaissance au profit du même Seigneur de Bressieux, par trois actes du 30 janvier 1487, de l’emplacement du même moulin, appelé de Burjean, situé à Grignon sur le Mandement de Bressieux, auprès de limites de Bressieux et de Roybon. Gilles Jacquemet, veuve d’Antoine Germain et Françoise Germain, reconnurent encore le 16 avril 1579 la moitié de ce plaçage du moulin de Burjean, confronté, comme aux précédentes reconnaissance par la rivière de Galaure et les limites de Bressieux et Roybon, avec cinq sétérées de terre, situées en Grignon, confrontant le bois commun de Chambaran de bise : depuis lors cet emplacement n’a point été reconnu jusqu’au 26 décembre 1751, que Joseph Ageron en a passé nouvelle reconnaissance sous les mêmes confins des anciennes.

            Cette suite d’actes où l’on trouve constamment les mêmes héritages, les mêmes confins auprès des limites de Roybon, ne permet pas de douter que les mas et Hameau de Grignon ne fussent une dépendance de la Terre de Bressieux et par conséquent les terres et bois de Chambaran existants au-delà de ce mas du côté de Bressieux.

            Cette vérité se trouve confirmée par la reconnaissance de noble Pierre de Chambaran du 7 février au Seigneur de Bressieux, d’un bois situé en Chambaran, par celle de Jean et Pierre Revel frères, du 16 juin 1474, au profit du même, de leurs Verreries situées dans la Forêt de Chambaran au Mandement de Bressieux ; par l’albergement passé le 7 août 1485, par Aymard de Grolée, Seigneur de Bressieux, à noble Pierre Revel de Varassieux, d’un mas de bois, étang, terres, avec les maisons et verreries qui se trouvaient dans ce mas, situés en la Paroisse de Saint-Pierre-de-Bressieux en Chambaran, dont il fut passé nouvelle reconnaissance le 11 janvier 1582 à Aymard-François de Méveuillon alors Seigneur de Bressieux, par Jean Reynaud ; par la reconnaissance des Habitants de Brion, Mandement de Chasselay, du 10 avril 1593, à raison des avenages pour bûchérage et pâquérage dans le bois de Chambaran au Mandement de Bressieux et enfin par les procédures de limitation, faites entre les Communautés de Roybon, Bressieux, Brion et Chasselay, les 24 septembre, 4 et 7 octobre 1605, 21 et 22 janvier 1621 et 13 novembre 1623, dont il résulte qu’il existait auprès du Mandement de Roybon une partie de bois de Chambaran situé sur le territoire de Bressieux et qui dépendait de cette Terre. C’est ce qui fut jugé contradictoirement entre le Procureur du Roi de la Commission établie pour la réformation des Forêts domaniales en vertu de Lettres patentes du 20 mai 1666 et la Communauté de Bressieux, par jugement de M.Dugué, Commissaire député, du 17 octobre 1669, qui maintint cette Communauté dans les droits d’usage et pâquérage de la portion de Chambaran, dépendante du Mandement de Bressieux.

            Ce jugement fut confirmé par un second des Commissaires députés à la réformation générale des Eaux et Forêts, du 3 juillet 1701, rendu entre le Procureur du Roi de la Commission, le Seigneur et la Communauté de Bressieux, par lequel Dame Marthe d’Albon, veuve du Marquis de Bressieux, fut maintenue dans la possession et la jouissance de la partie de Chambaran dépendante de Bressieux ; et la Communauté, dans les droits d’usage, pâturage et autres qu’elle avait dans cette Forêt.

            Il parait donc démontré qu’une portion de Chambaran existe sur la terre de Bressieux, que cette Terre n’a jamais été un seul moment dans le domaine delphinal et que la Forêt Delphinale de Chambaran ne pu dans aucun temps s’étendre sur son territoire.

Ce site sur la forêt française et les Chambaran a été créé en octobre 2007 et actualisé le 09/11/2007

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