Serre

Par Doudart de Lagrée, procureur général du roi en la chambre des comptes de Grenoble, 1778

 

            La terre de Serre ne joint pas immédiatement le Mandement de Roybon ; mais il existe dans le territoire de cette Terre, un canton de Chambaran, appelé Chambaran de Serre. Il est donc nécessaire de connaître l’ancien état de cette Seigneurie ; elle a été de tout temps patrimoniale ; elle appartenait par indivis au Prieur dudit lieu et du Seigneur de Bressieux.

            Il existait dans l’étendue de cette Terre, une partie de la Forêt de Chambaran, sur laquelle les Habitants de Serre et ceux de Thodure avaient des droits d’usage, bûchérage pâquérage glandage, qu’ils tenaient des Seigneurs de Serre et de Thodure, à qui ils payaient des redevances.

            Une Sentence arbitrale du mercredi avant la fête de Saint-Laurent 1281, rendue entre le Prieur de Serre, agissant tant pour lui que pour ses hommes de Serre et Falque de Montchenu Seigneur de Thodure, tant pour lui que pour les Habitants de Thodure, désigne l’emplacement de ce bois : il s’étendait depuis le Village de Serre le long du bois appelé Chasagarnier, jusqu’au ruisseau de Lentioz et ensuite le long de ce ruisseau, jusqu’au chemin tendant de Thodure aux Loives et en suivant ce chemin, jusqu’au ruisseau de Galaveison : occasione territorii et nemoris quod dicitur Chambaran, contiguati, sicut protenditur à VillaSerra, juxta menus quod dicitur Chasagarnier, usque ad rivum de Lentioz ; postea sicut vadit alveus illius rivi de Lentioz, usque ad viam publicam, quâ itur de Thoduro à las Loivas, et sicut protenditur illa via, usque ad rivum qui dicitur Galaveyson.

                        Il fut décidé par cette Sentence, d’après l’audition de plusieurs témoins sur les sujets des contestations des Parties, que les tâches des essarts et nouvelles cultures dans le territoire et canton de la Forêt de Chambaran ci-dessus confiné, ensemble le et autres droits de bûchérage et usage qui y seraient perçus, à raison des bois qui seraient conduits du côté de Serre, appartiendraient au Prieur et que les droits de bûchérage à raison des bois qui seraient pris dans la Forêt, pour les conduire du côté de Thodure, appartiendraient aux Seigneurs de Thodure ; que tant les Habitants de Serre que ceux de Thodure, jouiraient des pâquérages dans le bois de Chambaran, comme ils en avoient usé jusque-là. Cette Sentence prononce encore sur différents articles inutiles à rapporter, parce qu’il ne s’agit pas ici de régler les droits entre les Seigneurs et Habitants de Serre et Thodure, mais de fixer un jugement de patrimonialité ou domanialité de cette partie de Chambaran. Nous observerons que cet acte qui établit la propriété des Seigneurs de Serre, est le plus ancien que nous connaissions qui ait été dénommé sous le nom de Chambaran, les bois qui forment aujourd’hui cette Forêt.

            Sur de nouvelles contestations qui s’élevèrent entre les Seigneurs et Habitants de Serre et Thodure, il intervint deux traités ; le premier, du 21 février 1315, entre Geoffrey de Montchenu, Seigneur de Thodure, à son nom et celui de ses habitants, d’une part et Aymard de Bressieux, Seigneur de Serre, d’autre part ; le second, du 9 août même année, entre le même Geoffrey de Montchenu et le Prieur de Serre.

            Par ces actes, il fut convenu que tous les Habitants de Thodure jouiraient dans la Forêt de Chambaran, située sur le Mandement de Serre, de tous usages, pâquérages et parcours et du droit de prendre des bois verts et secs pour tous leurs besoins, à la charge de payer une redevance aux Seigneurs de Serre : omnes Habitantes in Castro et Mandamento de Thoduro perpetuo jus habeant pasquerandi seu depascendi per dictum menus et in dicto nemore de Chambaran et ejus pertinentiis, quantum tamen in Mandamento de Serra protecteur ipsum nemus, necnon et jus bocherandis ad suum usum.

            Il parait même par la première de ces transactions, qu’Aymard de Bressieux, Seigneur de Serre, possédait en plein domaine et propriété, une huitième partie du canton de Chambaran sur Serre, en ce qu’il est dit que si le bois venait à être défriché, le Seigneur de Thodure aurait les tâches des fruits qu’il était dans l’usage de percevoir jusqu’alors, excepté la huitième partie dudit bois, qui appartenait au Seigneur de Bressieux et était de son domaine et propriété : exceptâ octavâ parte dicti nemoris Domini Bressiaci, quœ est de dominio et proprietate ejusdem.

            Ces transactions n’avaient pas encore prévu toutes les difficultés qui pouvaient s’élever entre les Coseigneurs de Serre : il y fut pourvu par une troisième, du 6 août 1322, passée entre l’Abbé de Saint-Pierre-de-Vienne, Humbert de Saint-Maurice, Religieux du même monastère, Prieur de Serre et Guillaume de Rossillon, Administrateur des biens de ce Prieuré, d’une part et Aymard, Seigneur de Bressieux, d’autre part.

            Il fut réglé, par cet acte, que la Juridiction du lieu de Serre et les droits Seigneuriaux y mentionnés, appartiendraient par moitié et par indivis, à Aymard de Bressieux, et au Prieur de Serre ; que tous les droits de pâquérages, qui seraient perçus des étrangers qui seraient pâquérer au Mandement de Serre, seraient divisés par moitié aux Coseigneurs, à l’exception des hommes du Mandement de Thodure, à raison desquels chacun des Coseigneurs percevrait ce qu’il avait coutume d’en exiger. Il est encore disposé que les bois de Chambaran et de Serre seraient également communs, ainsi que tout produit, soit pour le bûchérage ou autrement, à l’exception de ce qui concernait les Habitants de Thodure : item quod menora de Chambaran et de Serrinquo sint communia, et totum emolumentum inde proveniens qualecunque, …..exceptis dictis hominibus, ut superiùs est expressum.

            On trouve à la suite de cet acte une Sentence arbitrale, rendue par Humbert, Seigneur de la Tour et de Coligny, entre Hugues, Seigneur de Bressieux, l’Abbé de Saint-Pierre et le Prieur de Serre, du samedi avant les Rameaux 1276 très indifférente à la question présente, puisqu’il n’y s’agit que des dommages violences et injures dont se plaignaient les Parties, à raison desquelles le Seigneur de Bressieux fut condamné de réparer les édifices et clocher du Prieuré.

            Ces quatre actes prouvent sans difficulté que la Terre de Serre ne fit jamais partie du domaine Delphinal et que la partie du Chambaran située dans le Mandement de Serre appartenait en toute propriété aux Coseigneurs dudit lieu, qui en avaient accordé l’usage et parcours, non seulement à leurs Habitants, mais à ceux des Communautés voisines, notamment aux Habitants de Thodure.

Ce site sur la forêt française et les Chambaran a été créé en octobre 2007 et actualisé le 09/11/2007

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